Projet de loi 111 : une modernisation majeure pour la Loi sur les coopératives

Chronique d'experts

3 juillet 2025


Une photo avec Christopher Skeete, ministre délégué à l’Économie à l'Assemblée nationale

Chronique rédigée par :

Edward Smith

Me Edward Smith
Conseiller juridique

Le 6 juin 2025, le Projet de loi n° 111, Loi modernisant la Loi sur les coopératives et modifiant d’autres dispositions (« PL111 ») fut présenté à l’Assemblée nationale par Christopher Skeete, ministre délégué à l’Économie. Représentant la modification la plus substantielle à la Loi sur les coopératives depuis les vingt dernières années, il constitue donc une importante opportunité pour le mouvement coopératif de se moderniser et de progresser.

Ce projet de loi résulte d’un travail concerté de l’ensemble du mouvement coopératif, et grâce au leadership du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM).

Il n’aurait pu voir le jour sans l’engagement des instances coopératives qui ont, ces dernières années, identifié les besoins de modernisation en étant à l’écoute des entreprises coopératives et qui ont ensuite mené un remarquable travail de plaidoyer.

De notre côté, la direction générale et les services juridiques du Consortium de coopération des entreprises collectives ont été impliqués tout au long du processus menant au projet de loi no 111.

Le présent texte a pour objectif de présenter les faits saillants de ce projet de loi.
Pour l’instant, aucune date n’est fixée quant au dépôt de mémoires en réponse au PL111.

1. Ajout de dispositions qui cristallisent les valeurs coopératives

  1. Une disposition préliminaire fut ajoutée pour consacrer le caractère distinctif des entreprises coopératives :

    « La présente loi vise à permettre la constitution et à régir des coopératives dont le caractère est distinctif en ce qu’elles sont détenues collectivement et contrôlées démocratiquement par leurs membres et ne recherchent pas la profitabilité comme fin ultime.

    Elle vise également à ce que les coopératives, en ce qu’elles sont créées par et pour leurs membres, soient bien ancrées dans leur milieu et contribuent à son essor, partout où elles se trouvent au Québec. »
  2. Les règles d’action coopérative de l’article 4 précisent le point suivant :

    « 3° le paiement aux membres d’un intérêt sur le capital social doit être limité et ne pas viser des fins spéculatives »
  3. On crée la désignation des coopératives d’intérêt collectif :

    « 16.1 Une coopérative dont les statuts indiquent qu’elle est exploitée dans l’intérêt d’une collectivité peut s’identifier en tant que coopérative d’intérêt collectif et inscrire dans son nom l’acronyme « CIC ».

    Aucune autre personne ni société ne peut s’identifier en tant que coopérative d’intérêt collectif ou inscrire dans son nom l’acronyme « CIC » ou l’utiliser. »

    Les coopératives qui ne sont pas des CIC peuvent constituer une réserve pour ristournes éventuelles (article 149.0.1)
  4. Sauf lorsqu’une coopérative est gérée par une convention d’administration par l’assemblée des membres, on clarifie que les membres à ce titre ne sont pas responsables des actes, omission ou obligations de la coopérative (article 38.2.1).
  5. On propose de clarifier l’article 128 :« L’activité d’une coopérative avec ses membres ne constitue pas un moyen de profit, et ce, sans égard au fait que celle-ci s’interdise ou non d’attribuer une ristourne et de verser un intérêt sur les parts privilégiées émises aux membres. »
  6. Le rapport annuel (article 132) devra maintenant faire état des actions posées pour encourager la formation en matière de coopération des membres, des administrateurs, des dirigeants et des employés de la coopérative et pour informer le public sur la nature et les avantages de la coopération.
  7. À l’article 148, le législateur souhaite maintenant simplifier la consécration du statut non lucratif d’une coopérative :

    « 148. La coopérative peut, par ses statuts, s’interdire d’attribuer une ristourne et de verser un intérêt sur les parts privilégiées émises aux membres. Le cas échéant, elle peut alors se déclarer comme étant à but non lucratif.

    Malgré le premier alinéa, une coopérative dont les statuts indiquent qu’elle est exploitée dans l’intérêt d’une collectivité doit, dans ses statuts, s’interdire d’attribuer une ristourne et de verser un intérêt sur les parts privilégiées émises aux membres. »

2. Modifications à la gouvernance

  1. L’article 54.1 obligera les coopératives à adopter un règlement déterminant les modalités de recours à la médiation.
  2. L’article 57.1 permettra aux coopératives d’imposer des pénalités monétaires (ou autres) à leurs membres.
  3. Les administrateurs pourraient se voir privés de siéger au conseil d’administration pendant une suspension comme membre de la coopérative (article 60).
  4. Les membres qui sont des personnes physiques pourront désigner, par écrit, toute personne (sauf un autre membre) pour les représenter lors d’une assemblée (article 69).
  5. La limite de 15 administrateurs est retirée (article 80). Le minimum de 3 est conservé.
  6. Si les règlements de la coopérative le permettent, les employés membres d’une coopérative pourront être administrateurs (article 81).
  7. L’article 84.1 permettra de limiter le nombre de mandats qu’un administrateur peut avoir.
  8. Comme nouveauté, les administrateurs seront réputés être en accord avec les décisions du conseil d’administration prises en leur absence à moins d’aviser leur dissidence dans les 7 jours de la connaissance de ces décisions (article 98).
  9. Les rapports annuels devront être conservés dans un registre tenu par la coopérative (article 124, paragraphe 8).
  10. « 219.4. Le conseil d’administration d’une coopérative de consommateurs autre qu’une coopérative d’habitation peut désigner les personnes autorisées à admettre des membres en son nom. »

3. Modifications administratives

  1. Le mot « coopération » sera exclu du choix de mots qui doivent être utilisés dans le nom d’une coopérative. Les coopératives qui l’ont déjà dans leur nom n’auront pas à changer de nom pour utiliser l’un des mots prévus à l’article 16.
  2. Les infractions à la Loi sur les coopératives qui mènent au paiement d’amendes (articles 246 et suivants) ont été réaménagées.

4. Modifications relatives aux parts et aux aspects financiers

  1. Les parts privilégiées participantes n’existeront plus.
  2. Les coopératives devront fournir annuellement à leurs membres de l’information détaillée quant à l’état des parts en circulation (article 49.5).
  3. On remplace le mot « vérificateur » par « auditeur ».
  4. On crée une « réserve pour ristournes éventuelles » (articles 149.0.1 à 149.0.5) distincte de la « réserve générale ». Les déficits de fin d’année financière sont désormais compensés selon l’ordre suivant : la réserve pour ristournes éventuelles, la réserve de valorisation et la réserve générale (article 152.0.1).
  5. L’article 150 définit la ristourne ainsi :

    « […] La ristourne est un bénéfice découlant du statut de membre ou de membre auxiliaire, le cas échéant, d’une coopérative. Il s’agit d’une somme remise en fin d’exercice à ces membres conformément à l’article 149. L’activité d’une coopérative avec ses membres et membres auxiliaires, le cas échéant, ne constituant pas un moyen de profit, la ristourne consiste en la remise d’une partie du paiement fait en trop à la coopérative par le membre ou le membre auxiliaire, le cas échéant, ou en un rajustement du prix des produits ou des services qu’un membre ou un membre auxiliaire, le cas échéant, a livrés ou rendus, selon le cas, à la coopérative. »
  6. Le nouvel article 152.0.2 prévoit que l’acquisition d’actifs d’une coopérative par ses membres et la vente d’actifs par le conseil d’administration doivent se faire au moins à la juste valeur marchande.
  7. Pour le calcul des ristournes d’une coopérative de solidarité, il est possible de calculer les opérations ou le volume de travail effectué « au cours d’une période couvrant plusieurs exercices financiers successifs sans toutefois excéder les quatre derniers » (article 226.8).

5. Autres modifications

  1. Les coopératives n’auront plus à avoir des objets similaires ou connexes pour fusionner et une coopérative pourra fusionner avec une fédération (article 153).
  2. Le processus de liquidation (articles 180.1 et suivants) est clarifié, notamment quant aux conditions pour devenir liquidateur, aux droits et obligations des liquidateurs ainsi qu’à la dévolution de l’actif. Il sera également possible d’arrêter le processus de liquidation en obtenant une approbation à cet effet de la part de la Cour supérieure (article 185.1.5).
  3. « 219.2. Une coopérative de consommateurs peut, par règlement, prévoir une catégorie de membres famille et déterminer leurs droits et leurs obligations, notamment quant à l’exercice du droit de vote aux assemblées et à la possibilité qu’un seul représentant de la famille puisse être élu administrateur. »
  4. Le droit au maintien dans les lieux qui est prévu à l’article 1936 du Code civil du Québec est écarté dans le contexte des coopératives d’habitation :

    « Le membre qui, six mois ou plus avant l’arrivée du terme de son bail, démissionne de la coopérative ou en est exclu n’a pas droit au maintien dans les lieux loués à l’arrivée du terme du bail.

    Lorsque la démission ou l’exclusion survient moins de six mois avant l’arrivée du terme de son bail, le membre doit quitter les lieux loués au plus tard six mois à compter de sa démission ou de son exclusion.

    Le cas échéant, le bail reconduit antérieurement à la démission ou à l’exclusion du membre prend fin à la date où le membre démissionnaire ou exclu quitte les lieux loués ou à celle où se termine la période de six mois visée au deuxième alinéa, selon la première de ces dates. »
  5. Le comité de liaison (article 224.4.2) n’existera plus. Les coopératives ayant des membres travailleurs devront se doter d’une politique d’accueil et d’intégration des travailleurs (article 224.4.3).

    Cette révision législative constitue la réforme la plus importante depuis l’adoption de la loi initiale.

    Elle témoigne de la vitalité du mouvement coopératif québécois et confirme le rôle essentiel des coopératives comme vecteurs de transformation sociale, économique et environnementale de notre société.

    Nous continuerons de nous investir avec détermination et dans le meilleur intérêt de nos membres dans les travaux faisant suite au dépôt.

    Nous vous tiendrons informés des suites de ce projet de loi pour les coopératives et serons à vos côtés pour vous accompagner sur les conséquences et sur l’application dans vos organisations.

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    Qui sommes-nous?

    La Fédération québécoise des coopératives de santé représente près de 40 coopératives de santé réparties dans 12 régions administratives comptant chacune, en moyenne, 2 500 membres à qui elles prodiguent des services de première ligne en santé, autant curatifs que préventifs. Ces services sont offerts par 206 médecins omnipraticiens, 137 infirmières et une cinquantaine de professionnels de la santé qui, ensemble, gèrent 280 000 dossiers médicaux. Elles sont exploitées à des fins non lucratives.

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    Gestion des réseaux sociaux et les particularités pour les entreprises de l’économie sociale 

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    Format(s) de formation disponible(s)

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    Simon Chevalia

    Simon Chevalia

    Analyste d’affaires

    Gestion en contexte particulier : éléments critiques opérationnels pour les coopératives 

    Description

    Dans un contexte particulier où des dirigeants doivent assurer la gestion des opérations pour répondre aux obligations légales et réglementaires, cette formation pratique vise à outiller ces derniers dans les actions et les ressources à utiliser pour assurer leurs rôles et responsabilités.  
    Seront ainsi abordés certains sujets comme la détermination des obligations, la gestion et la gouvernance. 

    Objectifs

    Acquérir les compétences nécessaires permettant de :

    • Assurer ses obligations de gouvernance d’une entreprise en économie sociale;
    • Utiliser les outils adéquats pour assurer ses rôles et responsabilités tout en collaborant pour administrer une entreprise collective et limiter les risques qui empêchent le développement.

    Clientèle visée

    Direction générale ou membres du conseil d’administration d’une COOPÉRATIVE qui voudraient se former sur ces sujets ou pour les nouveaux administrateurs et gestionnaires.  
    Principalement aux administrateurs qui doivent intervenir dans les opérations de l’entreprise et qui veulent connaître les obligations à remplir. 

    Format(s) de formation disponible(s)

    • Formation en entreprise
    • Formation en groupe d’entreprise
    • Autoformation

    Formateur

    Simon Anger

    Simon Angers, CRHA

    Conseiller principal en développement organisationnel

    Développer une culture de santé organisationnelle globale dans le secteur de l’économie sociale 

    Description

    La formation a pour objectif de former les apprenants au développement d’une culture de santé organisationnelle en entreprise. Ces modules, adaptés aux réalités des entreprises en économie sociale, ont pour objectif de promouvoir le bien-être, la santé et la performance des employés en entreprise. 

    Objectifs

    • Développer une culture de santé globale pour soutenir les employés du secteur de l’économie sociale en utilisant les outils adaptés à la réalité des entreprises collectives.   
    • Responsabiliser l’ensemble des parties prenantes en agissant sur les pratiques de gestion et les habitudes de vie.   
    • Mettre en place des programmes de santé organisationnelle tenant compte des spécificités des entreprises collectives et en assurer la promotion (sensibilisation, communication, formation, …).   
    • Développer des outils pour analyser la santé globale de l’entreprise collective à l’aide d’indicateurs et en assurer le suivi. 

    Clientèle visée

    Parcours de formation en santé organisationnelle destiné aux entreprises de l’économie sociale : Service de ressources humaines et gestionnaires des organisations ou comité santé sécurité.

    Format(s) de formation disponible(s)

    • Formation en entreprise
    • Formation en groupe d’entreprise
    • Autoformation

    Formateur

    Simon Anger

    Simon Angers, CRHA

    Conseiller principal en développement organisationnel