Les aspects juridiques de l’évaluation d’un conseil d’administration
6 février 2025
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Chronique rédigée par :
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Me Daniel Cooper
Conseiller juridique principal
Dans une récente chronique, le thème de l’évaluation de la performance d’un conseil d’administration a été abordé. La question des aspects juridiques se pose : pourquoi faire une telle évaluation et est-ce juridiquement souhaitable ou nécessaire ?
La réponse aux deux questions est oui.
Est-ce souhaitable de faire une telle évaluation ?
Au Québec, les administrateurs, qu’ils soient bénévoles ou non, ont des obligations légales qui peuvent apporter leur responsabilité personnelle.
Parmi ces responsabilités légales personnelles, on retrouve celles de toujours agir dans le meilleur intérêt de l’organisation qui les a mandatés, et le faire avec prudence et diligence ainsi que de façon loyale et honnête. Le Code civil du Québec les résume à ses articles 321 et suivants.
Collectivement, c’est à peu près la même chose : le conseil d’administration doit veiller à toujours agir dans l’intérêt de l’organisme qu’il gère, tout en s’assurant que ses membres n’enfreignent pas leurs obligations.
Attardons-nous un instant sur l’obligation de prudence et diligence : cette obligation commande que les administrateurs sachent ce sur quoi ils ont à décider. C’est une obligation de compétences minimales. Ainsi, en plus de devoir parfois obtenir conseil, ces administrateurs, collectivement, doivent posséder une expertise suffisante pour décider notamment, en fonction du domaine dans lequel œuvre l’organisation qu’ils gèrent et des finances qu’elle possède.
L’évaluation du conseil d’administration permettra (entre autres choses) de cerner l’expertise nécessaire au bon travail du conseil d’administration, et s’il possède les compétences minimales pour s’acquitter de sa tâche de bonne gestion. Comment savoir si les administrateurs, individuellement ou collectivement, ont l’expertise nécessaire dans tel ou autre domaine (les finances ne sont pas à négliger, par exemple !) si aucune évaluation n’est faite ?
Il est donc souhaitable de faire l’évaluation du conseil d’administration pour s’assurer qu’il possède l’expertise nécessaire pour accomplir sa mission.
Est-ce juridiquement nécessaire de faire l’évaluation d’un conseil d’administration ?
Aujourd’hui, oui.
Comme nous l’avons vu, les administrateurs ont des obligations légales qui peuvent engager leur responsabilité personnelle.
D’ailleurs, certaines lois font présumer cette responsabilité personnelle en cas de manquement par l’organisation qu’ils gèrent. Prenons l’exemple de la Loi sur les normes du travail, à son article 142 :
- Lorsqu’une personne morale, un représentant, mandataire ou employé de celle-ci ou d’une société de personnes ou d’une association non personnalisée commet une infraction à la présente loi ou à ses règlements, l’administrateur ou le dirigeant de la personne morale, société ou association est présumé avoir commis lui-même cette infraction, à moins qu’il n’établisse qu’il a fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration.
(…).
Eh oui, les administrateurs seront présumés avoir commis une infraction, à moins qu’ils prouvent qu’ils ont fait preuve de prudence et de diligence.
Ces présomptions légales prolifèrent depuis quelques années. Il y en a maintenant dans toutes sortes de domaines : matière fiscale, environnement, salaires impayés dans les domaines de juridiction fédérale, santé et sécurité du travail, pourriels, protection du consommateur, pratiques anticoncurrentielles, etc. |
L’évaluation des compétences d’un conseil d’administration fait partie d’une telle preuve de prudence et de diligence.
Mais il y a plus.
Généralement, les administrateurs devront souscrire une assurance responsabilité pour les gestes qu’ils posent dans l’exercice de leurs fonctions.
Généralement, l’assureur sera exonéré de payer un dédommagement s’il est prouvé que l’administrateur a failli à ses obligations de prudence et de diligence (ou a commis une fraude, ou était en situation de conflit d’intérêt).
Cette exonération est de nature juridique : elle produit des effets juridiques.
En résumé, l’évaluation de la performance et de la compétence d’un conseil d’administration est un outil permettant de repousser les effets juridiques des présomptions de responsabilité personnelle des administrateurs et de faire échec à celle-ci.
Cette évaluation, en continu, est indispensable pour donner plein effet aux assurances responsabilité souscrites par les organisations pour protéger leurs administrateurs.
Nous vous invitons à consulter une conseillère ou un conseiller juridique de la Fédération québécoise des coopératives de santé pour toute question en lien avec cette chronique.